samedi 25 avril 2015

A moitiè vide ou à moitié plein ?


* Marathon de Paris *




C'est ce qui me vient à l'esprit quand je pense à ma performance sur ce marathon de Paris. Faut-il voir ces 3:44'06'' comme une énorme progression au vu de mon marathon catastrophique de Barcelone l'année dernière, ou bien est-ce un échec, considérant que je pensais le faire en 3h30  ?
Pour une fois, l'analyse n'est pas simple ... retour sur ce week-end de course:

Ici c'est Paris


Cette fois-ci, je me suis organisé pour ne pas arriver à la dernière minute comme à Barcelone l'année dernière ... les week-end de course à l'arrache, c'est fini ! Je compte bien profiter un peu de la capitale et prendre mon temps pour être dans les meilleures dispositions le jour J.
Arrivée à Paname vendredi soir, petit dodo puis samedi matin, direction la porte de Versailles pour aller chercher les dossards.
Je suis accompagné de ma femme qui fait l'assistance, ainsi que d'un couple d'amis, Claire et Denis, qui font eux aussi le marathon.

Nous arrivons assez tôt sur place. Du coup, zéro minute d'attente et aucun moment de piétinement, qui sont autant de perte d'énergie pour le lendemain, pour recevoir nos laisser-passer pour les Champs-Elysées.
On en profite pour faire un tour au salon du running, dixit la "caverne d'alibaba" pour ma femme, on achète deux ou trois bricoles pour entretenir notre réputation d'acheteurs compulsifs et on se met un peu déjà dans l'ambiance avec quelques animations sympa :



Au jeu du "retrouve ton nom parmi les 54'000 participants", je ne m'en suis pas trop mal sorti, même si je n'ai pas trop compris la finalité du truc...


... puis je me suis glissé dans la peau de Bekele ...


...et enfin j'ai pu lorgner sur la belle médaille offerte aux finishers.

Il y a des pancartes et des slogans pompeux tous les 10 mètres pour vous faire croire que demain, vous allez être exceptionnel, limite un être surhumain qui ferait passer la bande à Marvel pour des danseuses en tutu et que, d'un coup d'un seul, après ces 42 kilomètres, et tout fraîchement auréolé de votre nouveau statut de héros, vous aurez aussi la possibilité de résoudre la famine dans le monde, le chômage en France et la connerie humaine ... boudiou, ça fait envie de le courir ce marathon !!!
Décidément, les gars du marketing de chez Asics et Cie font sacrément bien leur job, on pourrait presque y croire !

Trêve de plaisanterie, on s'enfuit de là, il commence à y avoir beaucoup de monde. Petit crochet par le Trocadéro, photo souvenir et puis zou, c'est l'heure de la sieste à l'hôtel et de préparer les affaires pour demain.


Il est 5h00, Paris s'éveille...


...et moi aussi par la même occasion. 
Dimanche matin, petit dèj, pipi de la peur, douche, pipi de la peur, enfilage de la tenue de combat, pipi de la peur, rangement de la valise, pipi de la peur ... bon bref, après un énième pipi de la peur, je me rends compte qu'il est 7 heures et qu'il est temps d'y aller.
8h30, je me retrouve avec Denis (et accessoirement 50'000 autres coureurs) sur la plus belle avenue du monde (si si, c'est le gars au micro qui l'a dit).




C'est bon cette fois j'y suis ! Après avoir mené une préparation hivernale sur près de quatre mois et avec environ 800km dans les jambes, il est temps d'en découdre.
On tergiverse pas mal avec Denis sur la meilleure stratégie à tenir. Il aimerait bien faire un départ un peu soutenu et tenir le plus qu'il peut. Pour ma part, je vise un 3h30, soit un rythme de 5 min au kilomètre... on décide donc de se caler sur du 4'55/km et de voir l'état des troupes au passage du semi-marathon.
Dernier pipi de la peur (explication ici pour les nouveaux) dans ma petite bouteille, puis trois deux un ...

C'est parti !


Mais si ça vous fait envie !!!


Trop content de pouvoir débouler sur les Champs-Elysées. La météo est au top, il y a un public de folie qui nous encourage, l'avenue est large, donc pas de bousculade ... c'est méga agréable et je suis aux anges.


Faut quand même faire gaffe parce qu'il y a des pavés au sol, parsemés de quelques bouteilles d'eau et tubes de gel ... ce serait con d'y laisser une cheville 500 mètres après le départ. Donc je reste "aware".
Comme mes jambes répondent bien et que les sensations sont bonnes, je me laisse porter par le peloton et profite du parcours : Place de la Concorde, rue de Rivoli, le Louvre, Hôtel de Ville, la Bastille ... rhhha trop bon, mes yeux pétillent, c'est vraiment magnifique :)

Sauf que


Oui, sauf que je suis venu pour courir un marathon, pas pour visiter Paris (que je connais déjà assez bien d'ailleurs). Donc après les quelques minutes d'euphorie du départ, il est temps de rentrer petit à petit dans sa bulle et dans sa course.
Kilomètre 5 en 24'02'' ... j'ai déjà 1 minute d'avance sur mon plan de route et ça, ce n'est pas une très bonne nouvelle puisque ça me fait 10 secondes trop vite au kilomètre, je pourrai le payer cher plus tard. J'en fais part à Denis, qui a l'air bien concentré déjà, mais visiblement le tempo lui convient bien. J'essaie quand même de ralentir un peu mais ce n'est pas évident parce que, d'une part mes jambes aimeraient bien aller un peu plus vite encore, et d'autre part, comme nous sommes partis dans le sas des coureurs visant 3h15, tout le monde va plus vite que nous et c'est dur de résister à la tentation, volontaire ou non, de suivre la meute.

Le kilomètre 10 et les bois de Vincennes arrivent presque tout aussi rapidement que les cinq premiers. En 48'41'' au ravitaillement, j'ai accentué mon avance au lieu de temporiser ... grrrr, ça commence à me chauffer cette histoire. Denis me colle toujours aux baskets, le visage toujours un peu fermé.
-"Ça va ? On est encore un peu vite ... "
Il me répond que c'est -"Nickel ... pipi ?"
Ah oui, l'ultime pipi de la peur. On perd 15 secondes pour arroser un arbre et on se remet rapidos en chemin, direction le 15ème kilomètre.

Kilomètre 15.
1:13'54'' de course, toujours une grosse minute d'avance sur le planning. Après que le ravitaillement soit passé, je fais un petit check-up de l'athlète : les jambes sont au top (pour une fois), pas de soucis gastrique ni même le moindre grain de sable qui pourrait venir contrarier mes plans. Ça fait environ 10 kilomètres que je suis dans la bonne allure (easy) et j'ai un matelas de secondes en rab si j'ai un soucis. Tout va bien donc ...

Sauf que, bis


Oui, sauf que j'ai un peu d'expérience et je sais désormais que pour bien finir un marathon, il faut être easy jusqu'au 30ème km minimum. Et là, ma respiration et mes puls sont trop hautes, je le sens ... ça sent aussi le retour de la croquette moisie et des emmerdes en tout genre. Je me donne une heure de répits et après, vogue la galère.
On sort des bois de Vincennes pour filer direct vers la borne qui marque le semi-marathon. J'essaie toujours d'en garder sous le pied mais c'est juste IMPOSSIBLE. Je suis bien, mes jambes déroulent, tout est facile, je profite du décor ... et je grappille encore une trentaine de secondes pour passer le semi en 1:43'38''
J'essaie de me faire une raison, que si finalement je ne tiens pas mon tempo et que je suis bien, c'est pas trop grave non ? Vaut mieux courir un poil trop vite que trop doucement ?
Je me dis ça pour me rassurer, mais je sais déjà que des marathoniens chevronnés vont s'arracher les cheveux en lisant ces lignes.


Denis lui  n'a pas l'air au mieux ... soit il se fout de ma gueule, soit les grimaces qu'il fait dans mon dos sont de mauvaises augure aussi pour la suite.
Je lui demande comment sont ses sensations. Sa réponse scellera la fin de notre tandem à peine la mi-course passée :
-"Contractures, crampes, je suis limite partout ... finis la course sans moi, je vais terminer en roue libre ... si je peux :( "

C'est terrible, mais je ne vois pas ce que je peux faire. On se souhaite bonne chance l'un l'autre et je prends inexorablement quelques mètres d'avance. Je me retourne après seulement une poignée de secondes et je le vois déjà au loin derrière dans le peloton ... argghhh, c'est dur, j'espère qu'il ne va pas trop galèrer pour terminer. Je l'ai vécu l'année dernière et je sais que c'est terrible à vivre.

Pour ma part, j'essaie de me remettre rapidement dans ma course. On remonte désormais la Seine le long des quais et c'est la partie dont redoutent de nombreux coureurs : il faut passer sous trois ponts, ce qui implique à chaque fois une descente et une montée, bref de nombreux changements de rythme qui peuvent perturber votre métronome.
Moi j'adore ça les changements de rythme, et j'arrive à tenir mon allure (voir même à l'augmenter légèrement ... le fou) et à profiter de nouveau des monuments de la ville : Cathédrale Notre-Dame, Trocadéro, Tour Eiffel ... bref je m'emballe et j'ai beau avoir doublé près de 600 concurrents sur les dix derniers kilomètres, le coup de massue n'est pas loin.

Souviens toi le printemps dernier


L'année dernière au marathon de Barcelone, le passage du 27ème km m'avait été fatal (à lire ici). Je ferai donc honneur à la tradition cette année encore avec un double coup de bambou :

- Le premier, c'est de m'apercevoir que Denis est 100 mètres devant moi !!! Mais WTF ??? Le gars à la dérive quelques kilomètres auparavant court plus vite que moi alors que j'ai accéléré le mouvement ? Punaise, il a pris un raccourci ou le métro, c'est pas possible ! J'hésite à faire un petit coup de speed pour revenir sur lui, mais je me ravise parce que, double effet kiss-cool...

-Le deuxième, c'est que mon rythme chute drastiquement. Pas vraiment de mur à proprement parler , mais une difficulté certaine à lever correctement les genoux et à garder une foulée fluide. Au 30ème kilomètre, disparaissent coup sur coup Denis et mon matelas de 2 minutes d'avance ... reste 12 kilomètres à faire ... va falloir être fort et serrer les dents parce que j'ai mis un orteil dans la zone de turbulence.

Je passe alors en mode éco+ : je soigne mes ravitaillements et j'essaie d'ignorer les articulations qui couinent, les tendons qui se durcissent, les jambes qui se raidissent. Le souffle devient de plus en plus court et le coeur tape de plus en plus fort pour une allure de plus en plus faible ...

Je perds 30 secondes par kilomètre sur mon tempo jusqu'au 37ème, et après un rapide calcul, je me dis que faire moins de 3h40 est largement jouable ... faut bien se raccrocher à quelque chose, on y croit et on ne lâche rien boudiou !

Sauf que, suite et fin



Sauf que moralement, ça devient très dur : c'est facile d'envoyer du lourd quand tu doubles (600 places gagnées entre le 20ème et le 30ème), c'est beaucoup plus compliqué quand tu perds 1'500 places sur les 12 derniers kilomètres.
J'essaie de divertir mon esprit comme je peux, mais je suis maintenant dans les bois de Boulogne et l'environnement est des plus chiant avec de longues lignes droites sans fin. Deux petites anecdotes me feront quand même sourire.

La première, c'est ce coureur qui me double avec son short de compression blanc. Visiblement il a dû avoir un énorme problème gastrique puisque la partie arrière est ... comment dire ça ... pleine de merde, y'a pas d'autres mots (désolé). Le pauvre ...

Mais celui qui m'a vraiment fait rire, c'est ce coureur qui me double (aussi) et qui court ... nu ?!! What, j'hallucine ou quoi, le mec court le marathon à poil ??!!! A non, passée la surprise, j'aperçois une ficelle verte qui lui passe dans le derrière ... le gars court avec le déguisement de Borat ... mdrrrrr

Prêt pour un marathon ?

Faut quand même oser, en tout cas il m'a bien fait rire.
Oui mais voilà, marathon et rigolade ne font pas bon ménage, surtout au 38ème kilomètre où je passe littéralement dans une autre dimension :
Mes yeux se mettent à clignoter, tout tourne autour de moi et je sens que je perds tout contrôle en un instant ... gros coup de flip car je ne me sens vraiment pas bien.
Je m'arrête à l'ombre, avale un gel "coup de fouet triple boost coup de pied au cul power max extrême" et termine la bouteille d'eau que j'avais gardée avec moi.
Les secondes, les minutes défilent et je n'ai qu'une envie : m'allonger sur le trottoir, mais je résiste et reste debout. Je sais que si je me pose, je ne pourrai plus repartir.

Je marche ... reste 4 kilomètres. Bordel c'est quoi 4 kilomètres ? Rien .. un échauffement à peine, mais punaise je suis cuit de chez cuit. Je me remémore mon marathon de Barcelone où j'avais fait les 7 derniers km en marchant et je me dis que je ne veux pas revivre ça, même pour 4 malheureux km.
Je cours ... c'est dur, c'est douloureux, c'est horrible, mais bordel je veux terminer mon marathon en courant ! Y'a pas moyen de lâcher l'affaire, tant pis pour le temps et la place, je veux courir, c'est tout.

Alors je me mets en mode robot : je débranche tout, oublie tout et me concentre uniquement sur ma foulée : un pas, puis un autre ... j'allonge ... ça passe. Je grimace mais j'essaie de garder à l'esprit que personne ne me contraint et que c'est par ma seule volonté et par mon seul plaisir que j'avance.
Les mètres défilent et j'attends avec impatience de sortir de ces foutus bois de Boulogne.
Reste trois kilomètres ... c'est long !
Reste deux kilomètres ... c'est encore long !
Reste un kilomètre ... mais  bordel de bordel, c'est tellement trop long ! Elle est où cette foutue ligne d'arrivée ? Je l'ai vu ce matin sur l'avenue Foch et là je suis toujours dans les bois à courir. Je passe le panneau 41éme, toujours dans les bois ... pfiouuu j'en ai ras la casquette, je veux terminer !

Sortie des bois, le panneau 42 s'offre à moi, il ne me reste plus que quelques centaines de mètres à parcourir et j'en aurai fini, mais je ne vois toujours pas l'arrivée ... tellement frustrant et décourageant ! Et puis, du coup, après un petit gauche droite ... la voici enfin :



Je cours toujours (lentement, mais je cours) et les émotions m'envahissent. Je passe la ligne en 3h44'06'' en 10'445 position ... tellement heureux !!! Le résultat n'est pas là, mais je ne pouvais pas faire mieux ce jour là : j'ai tout donné et je me suis accroché quand j'étais dans le dur, pas de regrets à avoir, c'est mon niveau sur cette course.

Un coureur me tape dans le dos et me lance un "bien joué, belle course !" Je me retourne, étonné de voir que c'est un des meneurs d'allure des 3h30 qui termine littéralement sur mes talons. J'aimerai avoir le temps de lui expliquer que je suis parti 15 minutes avant lui et que je ne mérite pas ses honneurs ... mais je prends quand même, ça fait toujours plaisir :)


Fourbu, je récupère ma médaille et mon t-shirt souvenir. Je retrouve Denis qui a bagarré avec ses crampes pour finalement terminer en 3h38 (bravo à toi !). Y'a pas à tortiller, faudra revenir pour faire péter cette barre des 3h30 ! En tout cas on est super motivé pour, et ça, c'est bon signe :)

Pour l'instant, il est l'heure de retrouver nos compagnes et d'entamer notre deuxième marathon de la journée : retour à la maison en TGV, 3h30 de train, c'est aussi long que la course et on en voit pas le bout aussi :(

On se refait le parcours, on se raconte les péripéties du deuxième semi-marathon et on se projette déjà sur la suite de la saison.

Pour ma part, je me suis fait une petite analyse à froid et une comparaison avec Barcelone et c'est marrant de constater que j'ai fait plus ou moins la même course avec les même moments de folie, et les même moments de galère ... en mieux (gérer).


Il est flatteur de voir que j'ai progressé de 16 minutes, mais le plus intéressant sera de voir comment je vais gérer le prochain marathon et quelle sera ma progression (ou pas).
Il y a encore du boulot, et ça tombe bien parce que j'ai pris néanmoins beaucoup de plaisir sur cette course. Je me réjouis d'y retourner, peut-être même dés cette année si ma saison de trail ce déroule bien. Pour l'instant, je vais essayer de garder les acquis et direction le D+ à gogo ! Banzaï !!!


2 commentaires:

  1. toujours aussi sympa à lire, ça donne presque envie de le faire :-)
    j'aurais bien voulu voir le gars en Borath, c'est trop cool de croiser des gens "tarés" qui ne se prennent pas aux sérieux sur les courses!

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    1. Merci. Et le gars était sacrément barré parce que son costume était beaucoup minimaliste que la photo d'illustration ^^

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