mercredi 11 octobre 2023

UTMB 2023 ♥



Non. No. Nein. Niet. 

C'est décidé, c'est non !

Ça fera de moi une girouette, un indécis, voir même un trouillard, mais la seule chose qui me vienne à l'esprit aujourd'hui vendredi 1 septembre 2023, c'est de me barrer d'où je suis.

J'ai un mal de tête de l'enfer, agglutiné avec près de 3'000 coureurs sur une minuscule place à Chamonix, tous prêt à s'envoler pour environ 170 km et 10'000 mètres de dénivelé afin de faire le tour du Mont-Blanc, soit la mythique course UTMB.

Mais à ce moment précis, je n'en ai plus envie du tout.

Pourtant j'en ai rêvé depuis des années de participer à ce challenge, de faire partie des grands parmi les grands, tester encore un peu plus mes limites, pousser la machine encore plus loin.


Peut-être que je l'ai trop fantasmée cette course, et maintenant que cela devient concret, je cherche désespérément à trouver un échappatoire, une porte de sortie où je pourrais me faufiler en douce.

J'ai du mal à interpréter ce que me dis mon corps à ce moment là : je me sens faible, j'ai la nausée, mal à la tronche et surtout, je n'ai plus envie de me lancer dans cette folie. Je pourrais presque en pleurer, tellement que mon corps s'y refuse.

Je suis un enfant de 6 ans qui va pour la première fois à l'école : on m'a vendu du rêve tout l'été sur cette rentrée qui allait être incroyable, mais je sens bien qu'il y a un hic, qu'une fois le portail passé, la magie va s'évaporer, ça va faire pschittt et la réalité va me claquer à la gueule.

Et du coup, c'est clair dans ma tête, on ne me la fera pas, les anciens finishers ont beau raconter ce qu'ils veulent : la détresse, la douleur, les blessures, le doute, l'angoisse et la peine vont m'accompagner tout le long du chemin, je le sais. C'est 48 heures en enfer qui m'attendent et une petite crise d'angoisse me saisit. Je suis là, pétrifié, presque terrorisé ... je ne veux plus y aller !

Mais voilà, mon problème c'est que j'ai mis le doigt dans l'engrenage et que je ne peux concrètement pas abandonner avant même d'avoir passé la ligne de départ. DNS (Did Not Start) quel manque de sérieux ça ferait, et puis en fait, il est déjà trop tard :18h00 sonne sur la fameuse musique Conquest of Paradise de Vangelis, le départ est donné et une vague de coureurs déferle dans les rue de Chamonix.





Envers et contre tout

Je me laisse emporter malgré moi, ça ne sert à rien de lutter, et de toute façon je ne maîtrise strictement rien à ce moment : ni mon corps, ni mon envie, ni cette foule qui m’emmène là où je n'ai pas envie d'aller.

J'avance sans âme, je suis, je subis ... je trouve cette situation tellement ubuesque. Je pourrais y mettre fin simplement, mais non, je regarde mes jambes, elles courent toutes seules.

Bon, je lève quand même un peu la tête parce qu’il faut dire qu'il y a une ambiance de malade le long des premiers kilomètres. Franchement c'est une dinguerie !


Ça encourage, ça crie, ça pousse, ça applaudit, ça s’émerveille, c'est fou cette intensité dans la foule. Du délire !

Mais le truc le plus intense, ce n'est pas la clameur de la foule, c'est mon mal de tête ! Et franchement,  le bruit des cloches et le brouhaha deviennent en instant insupportable. J'aimerais tellement un peu de silence s'il vous plaît !

Je n'en peux déjà plus de cette effervescence, de ces cloches et de tous ces mioches qui braillent !

Vraiment, c'est infernal pour moi, tous ces sons résonnent dans ma tête, c'est atroce, et du coup je me renferme encore un peu plus. Un peu plus mal à la tête, un peu plus dans le gaz, un peu plus l'envie de tout bâcher, un peu plus envie de tout envoyer chier.


Je n'arrive ni à me projeter pour trouver une solution, ni ne me résout à abandonner, j'avance malgré moi, mode zombie.

Englué en fond de peloton, je passe la première bosse dans les bouchons. De toute façon, je n'ai pas envie d'aller plus vite. Je passe le col de Voza environ en 2'200ème position et avec déjà une dizaine de minutes de retard sur mon plan de course ...  tout juste 2 heures après le départ, splendide effort. La route va être longue.

J'ai le droit quand même de profiter d'un joli coucher de soleil .

Je m'évade un instant.

Un cours instant : la réalité de la course me rattrape vite. Dans la descente sur Saint-Gervais il faut sortir la frontale parce qu’il fait désormais trop sombre dans les bois. C'est pas très technique mais il y a quand même beaucoup de racines et ce serait con de se faire une cheville si tôt.



Comme un touriste

J'allume donc ma lampe ... de nouveau une contrariété et une désillusion.

Mon mal de tête est toujours là, c'est même pire que tout à l'heure, et la pression de l’élastique autour de mon crâne est juste insupportable. La belle affaire. Bon bah je garde ma frontale à la main et je m'éclaire comme je peux. C'est pas méga efficace, ça bouge de partout mais c'est suffisant pour ce que j'ai à faire.

Alors bien sûr, on me regarde un peu de travers, genre le gars il a pas compris que la frontale se posait sur la tête.

- "Oh regarde un parisien qui vient faire son premier trail. Comme il a l'air niais avec sa frontale à la main hahaha... "

Punaise je passe vraiment pour un con touriste !

Bon bah tant qu'à faire, vu que je passe pour un abruti, et que finalement ma frontale ne me sert à rien, je décide de la ranger dans mon sac. Même sans envie, même avec mal au crâne, même de nuit sans frontale, j'arrive à doubler des coureurs dans cette descente.

Je me dis que niveau classement je dois toucher le fond du panier, les gens autour de moi ressemblent plus à des randonneurs qu'à des athlètes. Bref ...

Saint-Gervais, 3 heures de course et 12 minutes de retard.

Ravitaillement express, remplissage de gourdes et on continue. Toujours dans le même mood, avec plus l'envie de faire du stop pour retourner à Chamonix que de continuer direction les Contamines.

Il y a de nouveau du monde, de nouveau une ambiance incroyable et de nouveau des cloches. Mais sérieux les gars, je n'en peux vraiment plus quoi, c'est invivable pour moi et je suis tellement sur les nerfs que bientôt il y en a un qui va se retrouver avec un anus qui va faire ding-dong !


Je galère sévère pour rejoindre Les Contamines, rien n'a changé depuis le départ concernant ma forme et cette portion de la course est des plus chiante. Ça monte mais pas beaucoup, ça descend mais pas trop, ça se court mais pas vite ...

Bref, moralement ça m'achève et dans ma tête, l'abandon dans quelques minutes me parait inéluctable.

Tant pis, j'aurais déjà fait 30 km, c'est acceptable (?)

J'aurai pu m'en contenter à ce moment, de rentrer en bus et de faire mon Calimero. Seulement il y un un hic. Un hic XXL même.


Lucie

Un hic qui va contrarier mes plans de retraite la queue entre les jambes, un hic qui ne va pas me lâcher et qui va me faire une tête au carré de l’hypoténuse. Un hic que j'ai élevé pendant 23 ans et à qui j'ai appris à ne pas abandonner et à se battre pour ses rêves. Bref, un hic qui s’appelle Lucie (ma fille) et qui m’attend de pied ferme au ravitaillement des Contamines. J'ai déjà peur.

Je rentre dans le ravitaillement. Tout est prêt : elle m'a trouvé une bonne place parmi les centaines de coureurs et d'accompagnants et mes affaires sont déjà organisées.

Mais surtout je vois dans son regard qu'il n'y a pas de doutes : on va passer la ligne d'arrivée ensemble dimanche, elle est venue pour ça et rien d'autre n'est acceptable ! Pour elle c'est certain, les 140 km qui suivent ne sont qu'une formalité et ça va le faire easy finger in ze noze.

Du coup, je me dégonfle. Je n'ai pas la force d'argumenter ni même de la décevoir.

Je fais genre c'est dur mais tout va bien, je gère.

Je la vois m'encourager, je vois ses yeux briller et je me vois moi sans aucune volonté. Alors je passe en mode robot, sans émotions, sans rien ... je suis vide.

J'enfile mes affaires chaude pour la nuit, je remplis mon sac, un bisou bonne nuit à demain.

C'est nul ... ce ravitaillement aura été une catastrophe et je pars des Contamines moralement encore plus mal. Rien ne va !

Je culpabilise de ne pas avoir été franc, mais en même temps, je n'avais pas les ressources pour faire autrement. Et puis je n'aime pas me plaindre, et encore moins me faire consoler. J'ai fait le mec fort qui gère trop bien son truc alors que j'étais à la dérive totale.

J'ai un débours de 15 minutes désormais et une barrière horaire juste une heure derrière mon cul. Je suis toujours nauséeux et mon mal de tête a validé notre CDI ... tout est parfait pour affronter ma première nuit blanche ! Quelle merde.

Du mode robot, je passe en mode boulet direct, et je traîne mon spleen sans avoir trop le temps encore une fois de m’apitoyer sur mon sort, l'effroyable Col du Bonhomme se dresse devant moi, et je sens que cette plaisanterie va déboucher quelques varices.

Passage à Notre Dame de la Gorge ... comment vous décrire la situation ? C'est un des passage emblématique de l'UTMB où l'ambiance est juste encore une fois incroyable. Supporters, musique, fumigènes, cloches (encore !), encouragements et cris en tout genre, c'est de la pure folie !


Enfin, de la pure folie pour la tête de la course et le gros du peloton. Pour les randonneurs de fin de paquet et pour les gars qui se traînent lamentablement comme moi, on a plus l'impression de passer à la fin d'une rave party. On sent qu'il s'est passé un truc de dingue il n'y a pas longtemps, mais là, on vient de rallumer les lumières, les nettoyeurs ramassent les quelques déchets de la fête et le calme est rendu à la nature, perturbé uniquement par le passage des quelques coureurs attardés. Sincèrement, c'est glauque d'avoir raté ça et de sentir qu'on est vraiment pas au niveau attendu. Encore un gros coup au moral et je flirte dangereusement avec la zone rouge.


Stop ou stop ?

Je ne pense qu'à une chose : abandonner, abandonner, abandonner.

Refuge de La Balme, soit au pied de l’ascension du Col du Bonhomme. J'en suis à 20 min de retard sur mon plan, je perds accessoirement encore énormément de places (1984ème) et j'ai la barrière qui commence sérieusement à me chauffer le cul, il me reste 45 minutes de marge ... ridicule. Le mot critique à ce moment là n'est même plus adapté à la situation. Catastrophique, voir même désespéré est bien plus approprié.

J'ai des warnings et des S.O.S qui viennent danser avec mon mal de crâne et à la sortie de La Balme, je pense que je suis vraiment au bout du bout du bout.

Je vois un gros caillou qui me fait de l’œil et je viens me poser dessus.



2 heures du matin, 8 heures de course, 40km pour 2000 de dénivelé et je suis out. J'ai besoin de me poser un instant pour essayer de comprendre, ou tout au moins essayer de survivre à ce moment.

Quelques larmes coulent, je me sens tellement désespéré, perdu et sans aucun espoir.


Qu'on me donne l'envie, l'envie d'avoir envie

Je sais que je n'ai pas le temps, que la barrière arrive à grands pas et que chaque seconde passée sur ce caillou à cogiter est une seconde de perdue contre le couperet de l’élimination. Mais je suis résigné et j'ai abdiqué.

8 heures que je lutte pour rien, pour un mal de tête qui ne me lâche pas, pour une envie qui n'est pas là et pour tout un tas d'autres raisons qui n'en valent pas la peine. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.

C'est comme ça, il faut savoir accepter le mauvais jour, le mauvais moment.

Ça restera un bad trip, une mauvaise expérience ... c'est juste dommage.

Assis sur mon caillou, je regarde passer la file de coureurs. À cet instant je suis en admiration devant ces personnes. Toutes n'iront pas au bout, comme moi, mais certaines, à force de courage et de résilience, trouveront l’énergie et la volonté nécessaire pour valider leur défi.

C'est beau, et ce n'est pas à ma portée, du moins pas aujourd'hui.

J'avais imaginé tous les scénarios probables : genou hs, tendinite, gamelles, cheville qui vrille et claquage en tout genre. J'étais prêt à lutter, serrer les dents pour aller jusqu'au bout mais je ne sais pas comment faire pour me sortir de cet état étrange où tout est ok mais rien ne va comme il faut.


Faut que ça sorte

J'en suis là, à attendre que les fermeurs viennent me signaler que je suis hors délai et qu'il faut rentrer maintenant. Ça ne devrait pas être très long.

Tout occupé à ma rêverie dépressive, je me fais surprendre par un événement aussi soudain qu’inattendu : un tremblement de terre magnitude dix mille secoue en un instant mon estomac et mes intestins. Punaise, l'onde choc est terrible, remonte instantanément le long de mon œsophage et éjecte par le biais de ma bouche un dégueulis monumental !

La première salve est violente, mais la deuxième est pire encore : tout y passe, les boissons, la bouffe de la course, des ravitaillements, de la veille et peut-être même de la semaine dernière : je pourrai nourrir toute la basse court avec ce que je suis en train de déposer.

Et ça continue, et de trois, et de quatre ... tout, absolument tout y passe. Monstrueux.

En l'espace d'un instant, je me suis fait une vidange intégrale de toute la tuyauterie, ça doit être nickel chrome là bas dedans maintenant.

Ceux qui me connaisse savent que c'est une habitude chez moi, pas un ultra-trail sans un bon vomito de Stéphane, c'est presque devenu une tradition cette histoire, mais là franchement, je ne l'avais pas vu venir.

Bon bref, comme c'est récurent, l'avantage c'est que je sais gérer : rinçage de bouche avec ma gourde et un chewing-gum pour rafraîchir l'haleine et le tour est joué.

Là dessus il y a une bonne et une mauvaise nouvelle :

La bonne, c'est qu'outre le vomito, j'ai déposé aussi mon mal de crâne et toutes ces sensations bizarres que j'ai depuis le début de course. J'ai l'impression d'avoir fait un reset complet et je me sens tellement bien tout d'un coup. Comme soulagé d'un poids que je n'arrivais pas à me défaire. Le moral est de retour ainsi que mon envie d'en découdre et d'y aller, enfin ! Punaise, 8 heures de course pour débloquer la machine quand même bordel !

La mauvaise nouvelle, c'est que vomir, ce n'est pas super conseillé pour réussir un ultra-trail où la difficulté première est d'arriver à garder un niveau d’énergie optimum pour pouvoir avancer. Sur ce point là je suis bien mal embarqué maintenant.

D'autant plus que, pour l'avoir pratiqué plus d'une fois, j'ai l'impression que ça "acidifie" mon corps et la conséquence c'est que mes tendons se "durcissent", deviennent douloureux et hautement susceptible à la tendinite.

Anyway, pas le choix, faut bouger parce que déjà je n'ai plus envie de rester là à attendre l’élimination, et puis bordel, c'est l'UTMB quoi, vas-y mon gars, fais honneur à cette course.

Je me remets donc en route tout en tentant de trouver une solution pour mon estomac dans lequel le vide intersidéral résonne. J'ai besoin d'un truc qui pourrait tamponner cette acidité, mais je ne vois pas trop ce qui pourrait m'aider.

J'ai une pâte d'amande, c'est pas trop sucré, j'essaie ... ça passe, mais c'est pas encore ça.

Mine de rien, j'arrive relativement vite en haut du Col du Bonhomme, et là coup de bol : il y a une tente de secouristes, je me dis qu'ils doivent bien avoir du Smecta ?

Je tente ma chance et effectivement le médecin m'en refile un sachet ! Hihaaaaa je suis trop refais.

Bon ce putain de Smecta c'est compliqué à prendre. Pas de cuillère pour touiller, il fait froid, il y a du vent et je dois me démerder pour diluer l'argile et boire ça sans en foutre plein mes godasses. Mission remplie à 50% je dirais. Mais ça me parait suffisant.

Dans la descente sur les Chapieux mes tendons ont l'air ok, mon ventre aussi, le moral est pas mal du tout, mais tout va bien ?! c'est tellement nouveau comme sensation hahaha.


Installez vous, dans un instant, ça va commencer

J'ai encore perdu plus de 300 places depuis le dernier pointage, mais la bonne nouvelle c'est que maintenant tout devrait aller mieux (pire ce n'est pas possible). J'arrive aux Chapieux, 50ème km, 10 heures de course, 4 heures du matin, 1 heure de retard sur mon plan et 1h15 de marge sur la barrière, environ 2100ème place.

Je passe devant les commissaires qui contrôlent le matériel obligatoire de tous les coureurs, mais personne ne m’arrête, du coup je passe mon chemin, c'est toujours 5 minutes de gagnées et de toute façon je sais que je suis en règle, donc je ne formalise pas avec ça.

Ravitaillement, et allez gooooooo, j'ai comme la sensation que ma course va enfin pouvoir commencer.


Je m'élance donc avec une envie et une volonté toute neuve pour entamer le col de la Seigne. Je prends soin de remplir la machine régulièrement et de bien m'hydrater car j'ai toujours peur pour mes tendons.

Je ne fait pas cette montée full gaz, mais en tout cas je monte sur un bon rythme soutenu, je me fais plaisir et c'est trop agréable.

J'ai la musique dans les oreilles et les boum boum donnent le rythme ... grisant.

Bon ce col est quand même costaud et je le sens bien passer ! D'ailleurs ce n'est pas le col de la Seigne, mais le col qui te saigne les cuisses et les mollets.

Pfiou, j'arrive en haut et je me dis que c’était pas une mince affaire celle là. Je double enfin des coureurs (environ 200), je remonte au classement et je vois bien autour de moi que les 1'100 mètres de dénivelé ont fait des dégâts.

J'attaque la petite descente et normalement avec l’élan, je devrais m'avaler la remontée des Pyramides Calcaire en deux temps trois mouvement. Normalement ...

Parce que rien n'est normal sur un ultra, et vous passez par tous les états sans rien avoir demandé, et encore moins à votre tendinite de se réveiller. Ce putain de tendon rotulien qui m'a fait chier tout le mois d’août et que j'ai réussi à si bien contenir vient valider ma théorie comme quoi un vomi, c'est pas bon pour les tendons !

Crotte !

Dans cette mini descente ça tiraille un peu, mais ça n'annonce rien de bon pour les 110 kilomètres restants. Je remonte les Pyramides Calcaires toujours sur un bon rythme et descente sur le Lac Combal ... sur une jambe. Enfin, en vrai sur les deux, mais le constat est là, implacable : il ne m'est plus possible de courir en descente, la douleur en quelques mètres s'est fait trop présente pour imaginer insister dessus.

Punaise, j'ai été bien pendant trois heures et je retombe de nouveau en galère. Fais chier.

Et pour en rajouter une couche, je commence à avoir des douleurs terribles au niveau des pieds. Le passage du col de la Seigne s'est fait dans la neige et la boue et je pense avoir trop resserré mes lacets après. Mon coup de pied me fait de plus en plus souffrir et je suis obligé de défaire complètement mes lacets. Je me rends compte que mon dessus de pied est bleu, comme si un éléphant m'avait marché dessus.

Dans mon malheur, heureusement que je ne peux plus courir, c'est plus facilement supportable. J'en termine avec ma première nuit et arrive piteusement au ravitaillement du lac Combal avec de nouveau l'idée d’abandonner. Je ne supporte plus mes chaussures, je ne peux plus courir, franchement à quoi bon quand il reste encore plus de 100km à s'envoyer ?



Encore une fois, mon mental craque et c'est facile de lâcher l'affaire à ce moment parce que je souffre vraiment physiquement, et la suite du parcours me parait insurmontable dans mon état actuel.

Quand la musique est bonne

Je cherche un commissaire de course pour lui stipuler mon arrêt. Perdu au milieu des autres coureurs, je cherche du regard un officiel. Trouvé ! Au moment où je m'approche de lui, je fais une rencontre pour les moins improbable :

- " Hey, mais c'est toi qui écoute du métal à fond dans les oreilles ! "

Je ne saisi pas très bien ce que ce coureur est en train de me dire. Je reste un peu interloqué. Il poursuit :

- " Trop bonne tactique en tout cas ! Tu m'as mis un de ces vents dans la montée de la Seigne, c'était beau de te voir filer comme ça. Tu m'as redonné la patate, j'ai fais toute l’ascension derrière toi ! Allez continue, ne lâche rien, on a encore du boulot pour en voir le bout. "

Et le voilà qui disparaît ...

Je n'ai aucune idée de qui c'était, ni même ce qu'il est advenu de ce gars par la suite, mais en tout cas je lui dois tellement. Je lui dois tout même, parce que je ne saurai dire pourquoi, mais ces quelques mots ont tout changé.

Ça a complètement modifier ma façon de voir les choses : Courmayeur c'est dans trois heures.

Trois heures, c'est jouable ?

Compliqué c'est sûr, mais jouable en serrant les dents.

Changement de tactique donc, j'oublie qu'il reste 100km à faire, je veux juste faire les 20 suivant pour arriver à Courmayeur, on verra la suite après.

Je dois pouvoir supporter encore mes chaussures ce temps là, du moins ça me semble gérable. Je ne peux plus courir c'est un fait, mais sinon la forme est plutôt pas mal, je peux donc faire de la marche rapide sur le plat, trottiner sur les descentes pas trop raides et passer en mode turbo en montée.

Il est 8h30 et j'ai désormais1h15 de retard sur mon plan A (40h00). Je bascule alors sur mon plan B (43h00), de toute façon je sais bien que je ne pourrais plus refaire mon retard et je n'ai pas envie de me prendre la tête la dessus. Le plan C, c'est terminer coûte que coûte, mais celui-ci ne sera activé qu'en ultime recours.

Donc sur mon plan B, je suis pile à l'heure et j'ai 1h30 de marge sur la barrière.

Jouable j'ai dis, on y va !



Je repars donc en marche rapide, je monte l’arrête du Mont Favre presque à bloc et je trottine tant que je peux dès que le terrain me le permet. J'ai l'impression de perdre du temps mais du moment que je n'ai pas les fermeurs au cul, je garde espoir et je continue à me battre. New mood.

Le soleil commence dorénavant à cogner. Il me reste qu'une descente à faire et je suis à Courmayeur. J'appréhende aussi bien les douleurs au genou que celles aux pieds.

Je pensais qu'on allait prendre la montée du départ de la TDS en sens inverse : une piste de 4x4 pas trop pentue, ça me semblait bien. Mais non, le parcours trace direct sous le télécabine : un single track bien technique et pentu comme je les adore, mais là non, je n'en avais vraiment pas envie et encore moins les ressources pour m'envoyer ça.


#poussezvousdela

Bon pas le choix, je me lance là dedans tout en retenu. Les premiers lacets passent plutôt bien. Bizarre.

J’enchaîne et mets un peu plus de rythme.

Le genou ne dit rien, les pieds encore moins, tout cela devient encore plus étrange. Des fois je me demande quelle blague on est en train de me faire. Il y a 5 minutes, marcher était presque un supplice et maintenant je suis en train de me faire la pire descente en mode #poussezvousdela. Je vous avoue que je ne comprends rien à mon corps et à ce qui m'arrive, mais puisque tout est ok, je ne boude pas mon plaisir de mettre vraiment les gaz, car ce genre de descente, c'est vraiment là où je m'éclate en trail.

Courmayeur, gros gros kiff.

En arrivant sur le béton, je me rend compte que mes soucis n'ont pas disparus, loin de là, mais j'ai pu prendre tellement de plaisir dans cette descente que ça en valait vraiment la peine.

Au ravitaillement je retrouve mon épouse Magali qui va me faire l'assistance.

Je me change intégralement, moralement ça fait du bien, mais ça fait surtout du bien de mettre des chaussettes sèches et de changer de chaussures. A première vue, celles-ci devraient soulager les bleus que j'ai sur le dessus des pieds.

Il est aussi temps de manger parce que depuis l'histoire du vomi il y a maintenant 9 heures, je n'ai rien vraiment mangé de consistant. J'ai grave la dalle quoi !

Oui mais là non, ça veut pas. Une bouchée, puis deux , puis j'ai de nouveau envie de vomir. Je perds une dizaine de minutes à attendre que les nausées veuillent bien passer et je reprends mon repas miettes par miettes. Je mets environ 30 minutes à manger mon plat de pâtes ! C'est désespérant mais je n'ai vraiment pas le choix, faut que ça rentre sinon je n'irai pas beaucoup plus loin.

Bilan des courses, je reste plus d'une heure au ravitaillement et ça commence à m’énerver tout ce temps perdu pour pas grand chose.

Magali me demande de me poser et d'essayer de dormir au moins quelques minutes (j'ai l'air fatigué il paraît hahaha) mais, et d'une, je n'ai vraiment pas besoin de dormir pour l'instant, et de deux bordel, je n'ai pas le temps !

Je suis arrivé pile à l'heure sur mon plan B, mais 1 heure de pause à changé toute la donne et je ne veux pas passer au plan C. Petit récapitulatif au moment de reprendre la course :


Courmayeur : 80km et 5'000m de dénivelé soit environ mi-course.




Il est midi et demi, j'ai désormais une heure de retard son mon plan et seulement 45 minutes de marge sur la barrière horaire, chaud patate ! Niveau classement, la remontada est plus timide qu’espérée puisque je suis passé de 2100 à 1800 -ème.

Bon, on ne va pas se mentir, mais 45 minutes c'est vraiment trop juste pour 19 heures de course. Va vraiment pas falloir se planter pour la deuxième moitié du chantier si je veux y arriver.

Je traverse donc Courmayeur d'un pas décidé, mais j'ai promis à Magali de m’arrêter dormir 5 minutes. Un banc à l'ombre me tend les bras et je me résigne à tenir mon engagement, surtout qu'il y a plein de coureurs qui font déjà la sieste.

Je m'allonge ...

Bon, je n'arrive pas à m'endormir. Je compte les moutons, essaye de me relaxer, mais ça vient pas. J'entends les autres coureurs passer et j'ai le tic-tac de la barrière qui résonne dans ma tête. Fais chier, je viens de perdre encore quelques minutes pour rien !

Rhooo mais quel con ! Je ne suis pas fatigué alors go punaise, on verra bien plus tard, là je n'ai vraiment pas le temps pour ces conneries.

Refuge Bertone. La montée se passe nickel même si je commence à ressentir la fatigue et que mon rythme en montée est un poil moins efficace. Mes nouvelles chaussures sont top confort et même si mes pieds restent douloureux, ça se passe bien. Idem pour mon genou qui en a strictement rien à foutre des montées, tant mieux !

Il fait chaud mais ça ne me dérange pas plus que ça. Je continue la remontada et j'essaie d’être le plus efficace possible dans tous les domaines pour reprendre une marge acceptable sur la barrière.


L'heure de la sieste

En allant sur Bonatti, je vais enfin pouvoir tenir ma promesse. Je commence à bailler en courant et surtout j'ai la tête qui pique méchamment du nez. 16H00 de l'après-midi, c'est le timing parfait pour une sieste sous les mélèzes. Je mets un compte à rebours de 15 minutes et m'allonge sous un arbre.

Je m'endors presque instantanément, c'est fou.

10 minutes plus tard, me voici déjà réveillé tout frais, tout neuf. J'ai du mal à croire que j'ai seulement dormi 10 minutes, mais il reste effectivement 5 minutes à mon compteur.

Parfait, je ne perds pas plus de temps, je me sens bien et je veux continuer à essayer de reprendre de la marge.




Je passe Bonatti, traverse Arnouvaz et entame un des gros morceau de cette course : le grand col Ferret qui marque le bout de cette vallée Italienne d'une incroyable beauté.

J'ai réussi un gratter 15 minutes sur mon plan de course (désormais 45 min de retard) ainsi que sur la barrière (1h de marge). C'est pas encore fait cette histoire et la montée du grand col sera déterminante pour la suite des affaires.

J'essaie de mettre autant de rythme que je peux. J'ai les jambes qui répondent toujours bien et j'accélère au fur et à mesure de l’ascension.

Le soleil commence à passer de l'autre coté et le crépuscule ne va pas tarder. Je ne veux pas m’arrêter avant d'avoir passé ce col pour m'équiper pour la nuit, alors je mets un dernier gros coup de gaz pour arriver à l'heure pour le coucher de soleil.


C'est juste splendide !

Je suis heureux et fier de moi.

À ce moment là de la course, je suis en pleine plénitude, tout va bien et malgré la fatigue des 100 premiers kilomètres et des 25 heures de course, je sens que je gère mon affaire. Quelle satisfaction, c'est grisant, surtout quand je repense à ce début de course tellement catastrophique.


Deuxième nuit blanche

Je me fais un petit stop pour enfiler mes affaires chaudes pour la nuit, sortir ma frontale et me strapper un pied parce que j'ai une ampoule de la mort qui commence à me chauffer grave, et ça va pas le faire vu que j'ai environ 20 kilomètres de descente qui m'attendent.

J'attaque donc la descente sur La Fouly, mais j'ai le retour du genou de la mort qui tue, il ne veut pas ... du moins pas trop et pas trop longtemps.

Donc je fais ce que je peux.

Step by step, je prends ce qui vient comme ça vient et je ne me prends pas la tête, de toute façon je suis au maximum de ce que je peux faire. Dés que c'est possible, je cours, sinon marche rapide et pour le reste on verra bien. Si les fermeurs me reprennent, il sera toujours temps soit de négocier avec les 10 euros que j'ai en poche, soit d'improviser avec une super technique d'hypnose, on ne sait jamais, qui ne tente rien n'a rien.

Je galère un peu pour arriver au bout de cette looooongue descente. Il fait bien nuit maintenant et je me régale à nouveau pour remonter sur Champex. Je suis en mode alternatif et je me concentre uniquement sur les moments où je suis bien.

Champex-Lac donc. Dernier ravitaillement où Lucie et Magali viennent m'assister. Après, je voulais terminer tout seul.



Il est minuit, avec de nouveau 1 heure de retard sur mon plan à cause de cette descente. La bonne nouvelle c'est que la barrière est désormais un peu plus large et que j'ai un peu plus de 2 heures de marge. Niveau classement j'ai gagné environ 200 places ( 1'600ème ).

Changement de tenue encore une fois. Je strappe tout au niveau des pieds, j'ai des ampoules de partout, c'est un vrai calvaire. Je ne comprends pas, c'est la première fois que ça m'arrive. Je change donc encore une fois de chaussures en espérant que cette dernière paire tiendra pour les 50 derniers kilomètres. Je suis vraiment limite limite au niveau de ce qui est supportable.

Je descends mon assiette de pâtes un poil plus vite qu'à Courmayeur, un bisou je t'aime bonne nuit à demain à mes deux supportrices et me voici de nouveau plongé dans les ténèbres de La Giète.


J'en avait gardé un bon souvenir de cette Giète sur une autre course précédemment.

Autant vous dire que là, elle m'a déçue, mais déçue : du raide , du pentu, du long chiant, punaise je n'en vois pas le bout, c'est mortel. Première fois que je me sens dans le dur et j'ai vraiment de la peine à retrouver les sensations que j'avais au col Ferret. Première fois que je me retrouve seul à courir aussi. Le peloton s'est vraiment étiré et j'ai perdu contact avec ma petite communauté. Ces coureurs ou coureuses qui sont plus ou moins sur le même rythme que vous : vous les doublez, ils vous doublent, on échangent quelques mots, on se soutient dans l'effort, parfois quelques encouragements. On ne se connaît pas, on ne se reverra jamais, mais le temps d'une course il y a une certaine fraternité qui s'installe et c'est réconfortant sur une épreuve si longue.

Mais là, je les ai perdu : ils sont peut être devant ou derrière, je n'en ai aucune idée, mais à 3 heures du matin dans cette montée de La Giète, seul avec ma frontale, j'avoue que je me sens vraiment livré à moi même.

J'arrive enfin en haut. Je suis dead.




Je descends toujours sur le même schéma. Des fois le genou est ok et je peux courir, et des fois je peux à peine marcher, c'est toujours trop étrange.

Mes pieds sont au supplice, mais le changement a été de nouveau une fois une idée lumineuse. Les points de pression sont différents et mes bleus aussi bien que mes ampoules sont pour l'instant à la limite de l'acceptable. Ouf.


Crazy

J'arrive au col de la Forclaz juste avant Trient. Alors, comment vous expliquer ce qui se passe ? Je vous laisse découvrir les vidéos ci-dessous (ou faire une recherche sur youtube : utmb forclaz 2023) pour ressentir l'ambiance de malade qu'il y a ici quand les premiers coureurs passent :





La folie totale !




Bon, pour ma part, il est 5 heures du mat et les seuls spectateurs qu'il y a , ce sont trois espagnols qui ont du tomber en panne d'essence et qui distribue des « venga venga ! » polis aux quelques coureurs de passage. Même impression qu'en début de course où j'ai le sentiment d'avoir raté la fête.

Je passe mon chemin « gracias » et j'arrive au bout de la descente à Trient bien cuit. Je ne suis pas encore à point mais ça ne saurait tarder parce que les 145 kilomètres commencent à peser un peu lourd dans les mollets. Un peu plus de 35 heures de course olalalah, de nouveau 45 minutes de retard sur mon plan et 2h30 sur les fermeurs.

Bon à ce moment là je sais que ça va le faire. J'ai désormais assez de marge sur la barrière pour voir venir, reste juste à me challenger pour arriver à gratter 45 minutes. C'est chaud mais ça se tente. Surtout qu'il me faut un objectif pour ne pas finir en roue libre.

Allez bim, je repars pour monter les Tseppes. Franchement c'est dur et mentalement je dois lutter pour ne pas flancher.

Les pieds sont de nouveaux en feu et désormais c'est mon tendon d’Achille qui frotte et qui me fait soucis. Rien de neuf niveau genou, je dois pousser vraiment fort sur les bâtons pour le soulager un maximum. Dans tout le reste de la machine, des warning s'allument un peu de partout. C'est pas encore critique mais on s'approche dangereusement de la zone rouge.

La seule satisfaction, c'est que je double énormément de monde, et ça, ça fait toujours du bien au moral.

Je m'accroche. Je pense à W.Shakespeare (Ultra-traileur précurseur) :

Mon corps est un jardin, ma volonté est son jardinier.

Je peux le faire, allez vas-y, un pas après l'autre, encore, encore, encore ...

Je passe Les Tseppes pour aller direction Vallorcine, mmh ça commence à sentir bon cette histoire ! Je commence à me réjouir et de nombreuse fois je dois me reprendre parce que la route est encore longue, il doit bien rester environ 6 heures de course, ça ne va pas se faire tout seul.

Alors que j'approche de Vallorcine, aux alentours des 8 heures du matin, je me rends compte que je viens de plier ma deuxième nuit blanche. C'est ouf dans ma tête ! C'est passé tellement vite, je n'en reviens pas.


Batman prend de l'ecstasy

Et c'est toujours au moment où tout va bien que tout bascule sur un ultra.

Je suis dans ma descente et j'essaie de gérer du mieux possible mes bobos. Je jongle entre les douleurs du genou et des pieds quand tout à coup, je marche ... sur une chauve-souris !

Véridique !

Dans mon élan, je fais mon maximum pour l'éviter (en même temps, qu'est ce qu'elle fout par terre celle-là ?) mais c'est trop tard et je l'écrase lourdement, l'horreur ! Je n'ai même pas le temps de relever mon pied pour voir les dégâts que je me rends comte qu'il y en a des dizaines de ces chauves-souris au sol ! Mais qu’est ce que c'est que ce bordel ?

C'est l'Utmb by Batman ou quoi ??

J'ai un sentiment étrange et pousse un cri quelque peu bizarre. Genre un cri qui voulait dire stupéfaction, étonnement, horreur et au secours ! Je lève finalement mon pied pour me rendre compte que la bestiole a disparue ... elles ont toutes disparues. J'ai simplement marché sur une grosse feuille, le délire ! Mais j'ai eu vraiment peur sur le moment.

Bref je relève la tête pour me remettre en route, et là, stupeur, le retour : il y a un troupeau de girafe tout autour de moi. Punaise, je me frotte les yeux et je me dis que normalement, à cet endroit là, un troupeau de vaches serait bien plus approprié. Mais non, ce sont bien des girafes qui se devant ma route.

Bordel de merde, je suis en train d'halluciner, pour de vrai !

Et tout par en cacahuète : girafes, chauve-souris, c'est le festival du n'importe quoi dans ma tête. Ok, c'était prévu et je m'étais préparé à cette éventualité. Donc je ne stress pas et je sais qu'il est urgent que je me pose et dorme un petit peu. Seulement problème, c'est qu'il y a eu la rosée et les endroits où je pourrais me poser sont trempés, il faut donc que j'avance un peu pour trouver genre un gros caillou sec.

Je me mets à marcher et là c'est la catastrophe : tout, absolument tout bouge et tourne autour de moi. Les girafes bien sûr, mais aussi les arbres qui ondulent comme s'ils faisaient la danse du ventre, le chemin, mes pieds, tout quoi.

Je vis une expérience extra sensorielle d'un niveau jamais atteint pour ma part. J'ai comme l'impression d'avoir perdu le contrôle total de mon corps.

Il m'est impossible de faire un pas en avant : je titube comme si j'avais 3 grammes dans le sang. Je trébuche, me reprend, re-trébuche et ainsi de suite de nombreuses fois.

J'aimerais dire que ça m'a stressé mais en fait non. Je sais que je suis en plein délire et j'ai envie de voir combien de temps ça peut durer, combien de temps je peux tenir et si les hallucinations vont disparaître ou bien s'aggraver. Le terrain n'est pas dangereux, donc ça peut être drôle de pousser l’expérience à son maximum.

Quelques coureurs passent à ma hauteur et je pense que certains s’inquiètent de mon état chancelant :

« Wawabien ? » Punaise, on vient de me mettre la tête dans un bocal, je n'entends presque plus rien, juste des syllabes qui ont toutes le même son : woua.

Ça craint ! Je suppose que le gars me demande si je vais bien, et je m'entends lui répondre « woui » aussi. On me regarde bizarre, mais je ne sais pas si on me regarde bizarre vraiment, ou si je délire encore et que j'ai l'impression qu'on me regarde bizarre. Tout est trop confus !

Et c'est de pire en pire, les hallucinations persistent, les arbres dansent toujours, je ne peux quasiment plus bouger sans prendre le risque de me retrouver à terre, mes oreilles bourdonnent et dorénavant j'ai la sensation que mes yeux ne voient plus rien. En fait non, je vois très bien mais mon cerveau ne décrypte plus les infos et c'est comme si j'avais un voile flou derrière mes yeux.

Tellement perturbant, stressant ... et drôle en fait.

Je m’entête à vouloir continuer, voir combien de temps va durer cette folie, si c'est gérable, si ça va être de pire en pire. Mais quelques mètres plus loin je dois me résigner à abandonner mon corps le long du chemin.

Perte de contrôle totale de mes mouvements, de la moindre synchronisation ... je me sens partir, pas dans le coma, mais que c'est vain de lutter et que dans les secondes qui viennent je vais m'endormir comme un gros sac de patates.

J'ai à peine le temps sortir mon téléphone. Je veux absolument mettre un compte à rebours car j'ai peur de dormir trop longtemps.

Rhaa merde, je n'arrive pas à mettre mon doigt sur le lecteur d'empreinte, le code de déverrouillage est tout flou, ça bouge trop, mes yeux se ferment, vite, déverrouiller le télépho.. trop tard.


Le jour d'après

Je m’écroule littéralement au milieu du chemin, endormissement éclair en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, me voici au pays des rêves. Dodo.

Mes yeux s'ouvrent à nouveau.

Check-up rapidos de l’athlète : je me sens en pleine forme ! Trop bien. Par contre, petit coup de stress : je n'ai aucune idée à quelle heure je vis.

Vu la lumière ambiante, j'ai l'impression qu'on est encore le matin et vu que les fermeurs ne sont pas avec moi, je serai tenté de dire qu'on est toujours dimanche matin. Première bonne nouvelle, je suis encore dans le game hihaaa

Aucune idée combien de temps j'ai pu dormir. Je jette un œil à mon téléphone et je m’aperçois à ma grande surprise que j'ai lancé le compte à rebours ! 

9 minutes !! Il reste 9 minutes au compte à rebours ce qui veut dire que j'ai dormi 6 minutes !

C'est complètement dingue cette histoire. C'est incroyable de se dire que dans l’état de fatigue dans lequel j’étais, 6 minutes seulement on suffit à faire un reset complet du bonhomme. Je me sens incroyablement frais et d'attaque, alors go, j'y retourne, il reste environ 30 km et le dernier ravitaillement de Vallorcine arrive à grand pas.

Vallorcine dimanche matin 9h00, 150 km et 9'000 de dénivelé.

1h40 de retard sur mon plan et 2h00 de marge sur la barrière.


Je commence à me faire une raison sur la faisabilité de terminer en 43h. Je ne vois pas comment refaire mon retard en si peu de temps.

Anyway, c'est pas grave, je sais que je vais le boucler cet UTMB et c’était bien mon ultime objectif.

Mon genou est toujours sur courant alternatif, des fois c'est nickel je peux courir, des fois c'est la cata et même marcher est compliqué.

Par contre au niveau des pieds, la situation devient terriblement critique : après les hématomes du dessus de pied en début de course, les ampoules sur presque tous les doigts de pied, ainsi qu'au niveau des talons, voici que des douleurs de plus en plus vivent apparaissent sur mes tendons d'Achille. Gasp.

Je me fais un ravitaillement express, je vide et jette tout ce dont je n'ai plus besoin dans mon sac et mis à part le matos, je garde juste une gourde d'eau et 1 gel pour terminer. Sur le moment ça me parait large pour faire 1 montée et 1 descente.

Avant de jeter mes forces dans l'ultime difficulté, je prends le temps de me poser au bord d'un chemin pour jeter un œil à ces tendons d'Achille, la douleur commence vraiment à m’inquiéter.

Pas de rougeurs, de frottements, rien ... par contre celui de droite me fait vraiment souffrir. Je sors un tube de crème anti-inflammatoire et je me masse un peu. À la base, c'est la pire idée qu'on puisse avoir, mais je veux juste mettre la douleur sous silence et terminer ma course comme j'en ai envie, on fera les comptes une fois la ligne d'arrivée franchit.


Souriez, vous êtes filmé

Au moment où je remet mes chaussettes, je vois un officiel de la course qui vient dans ma direction et me demande ce que je fais. Zut, dans ma tête je ne suis vraiment pas certain d'avoir le droit d'utiliser cette crème et je me sens un peu fautif, à tord ou à raison , je n'en sais rien. Je préfère prétendre qu'il y avait des cailloux dans mes chaussures et que je faisais un peu de nettoyage.

-"  Vous repartez maintenant ? "

Bah oui, c'est pas comme si j'avais l'intention de faire un pique-nique hein, j'ai encore un peu de boulot mon gars.

-" Ça vous dérange si je vous suis et que je filme un bout ? "

What ? Je ne comprends pas bien.

-" Je filme pour le live, c'est retransmit en direct sur le site de l'UTMB "

Mouhahaha, mais vas-y mon gars ! Tu peux filmer tout ce que tu veux, si ça intéresse les gens de voir l’état d'un gugusse qui vient de se taper deux nuits blanches, qui s'est avalé je ne sais pas combien de barres de céréales et de gels en tout genre, qui a les pieds dans un tel état que même un hobbit en serait dégoutté, j'en passe et des meilleurs, soyons fous, filmons tout ça pour l'oscar du meilleur traileur vomiteur.

Bon, en vrai le mec est super sympa, pose quelques questions sur ma course et m'accompagne jusqu'au col des Montets. Du coup cette partie un peu chiante passe trop bien, j'ai de la chance. Il me dit que j'ai encore une bonne foulée.

Mais tu m’étonnes que j'ai une belle foulée, tu sais combien de millions de personnes sont en train de mater mes mollets sur internet ? Alors je fais bonne figure et je fais le mec facile hein. Bon puis Jim (le vainqueur de la course) va bientôt me prendre un tour. Je n'ai pas trop envie de m’éterniser à faire le beau devant la caméra.

Je lâche mon compère au col des Montets donc et attaque avec envie cette dernière difficulté, et autant vous dire qu'à ce moment là, c'est ALL IN !


Fatigué le gars ?


Tapis ! Je pose tout sur la table : mes couilles, mes tripes, mon envie et tout ce qui pourrait me faire grimper vite.

Full gaz, je veux vraiment tout, mais absolument tout donner maintenant. M'en fous, je sais que je vais y arriver, alors même si ça explose en route, je veux tout lâcher.

Et autant vous dire que je ne fais pas semblant, je pousse à mort sur les bâtons et sur les cuisses. Je relance sur le moindre replat, j’accélère dès que mes pulsations retombent.

Je suis dans le rouge, rouge foncé même, musique de nouveau à fond dans les oreilles et je pousse encore !

Petite modification du parcours cette année, pas de montée à la Tête au Vent. En gros, on en monte la moitié, on redescend tout ce qu'on a monté, et on remonte direct sur la Flégère.

Kif-kif niveau distance et dénivelé. C'est un peu plus dur à mon sens de se faire 2 fois une demi montée, mais en même temps on échappe à une partie un poil casse-bonbon entre la Tête au Vent et la Flègère.

Bon bref, première montée à bloc, descente du même acabit. Le genou couine sa mère mais c'est tout ce qu'il mérite de m'avoir fait autant chier sur toute cette course (et ces dernières années aussi pendant qu'on y est). Je débranche le cerveau, tout mon corps est limite, pieds, tendons, genou, estomac, cuisses, mollets ... mais j'accélère quand même.



Je m'éclate comme un fou, je suis trop content.

Hop, j'attaque la deuxième montée et je relance encore . Tous les coureurs autour de moi sont à l'agonie, et je passe un peu pour un marginal de me donner autant de peine si proche de l'arrivée et si loin dans le classement.

Anyway, je surkif cette fin de course. C'est ma tournée, régalade totale !

Bon seule petite ombre au tableau, c'est que dans ma tête, une fois à Vallorcine, l'arrivée était juste là, c’était une histoire d'une poignée de minutes. Bon bah 240 minutes plus tard, ce n'est pas du tout la même histoire.

La fatigue et le manque de lucidité me font perdre un peu le coche : je n'ai strictement plus rien à manger dans mon sac et plus rien à boire non plus. Je suis à sec ! Pas terrible la gestion de fin de course.

Je sens que niveau énergie, je commence à racler un peu le fond du réservoir, et le pire, c'est que le soleil commence aussi à cogner et que ma pauvre gourde est aussi vide qu'une flaque d'eau en pleine canicule du mois d’août.

Gasp, ce n'est vraiment pas le moment de me faire une hypoglycémie ou une connerie dans le genre, pas maintenant, pas après avoir si bien gérer ces 160 premiers kilomètres, c'est pas sérieux.


Dix pourcent

Je baisse drastiquement mon rythme de course au moment où on sort des bois et j'évalue le ravitaillement de la Flégère à environ 15 bonnes minutes. Faisable.

15 dernières minutes de montée, doit me rester 10% de batterie, allez, je sers les dents, ça va vite passer, ça va le faire.

Bon bah bordel, en moins de deux, je passe du mode galère légère en mode full perdition. Je n'ai vraiment plus de jus du tout.



Je pensais qu'il me restait 10% en mode survie, mais ça c'est comme quand il reste 10% de batterie sur ton téléphone : 1 vidéo de 15 secondes, 3 messages, 1 clignement d’œil et ton écran s’éteint comme ça sans te prévenir de rien du tout.

À ce moment là, je ne suis pas loin du black out total. Je n'avance pas, je peste, je râle contre moi même et je galère comme un misérable pour voir le bout de cette montée. Un replat et un dernier coup de cul. J’hésite à ramper , mais il y a désormais trop de monde et il me reste encore une miette de dignité.

Bon, je voulais tout donner, ne rien regretter ... c'est mission validé à la Flégère. Je suis littéralement cuit de chez cuit, cramé comme une merguez préparé par tonton après l'apéro.

J'attrape une bénévole et lui demande mon premier coca de la course. 48 heures sans coca, ça aussi c'est une épreuve pour moi ! Elle me tend un breuvage immonde, un putain de truc écolo, hop ni vu ni connu, je te rajoute des bulles dans de l'eau et du sirop et voilà (sodastream pour ceux qui avaient un doute).

Bon ok, c'est cool pour la planète, les déchets toussa toussa, mais c'est imbuvable ce machin.

Ça ressemble à tout sauf à du Coca, vraiment c'est beurk de chez beurk !

Du coup je cherche un truc à manger et je ne trouve que des aliments dégueu : saucisson, chips, fromage à ce ravitaillement, bientôt une tartiflette nan ? J'imagine que les fruits genre pomme, banane ça doit coûter trop cher ?

Bon bref, je peste un peu mais je préfère me casser de là en prenant le temps tout de même de remplir ma gourde d'eau.


Un peu de mathématiques

Bon dans tout ça on en est où sur mon plan de course ?

Reste 10 km de descente - ok 

J'ai environ 3 heures de marge sur la barrière horaire - nickel

J'ai 20 minutes d'avance sur mon plan B en 43 heures – hein?!? 1h40 de retard à Vallorcine, 20 minutes d'avance à la Flégère ?

Ok, j'ai vraiment astiqué comme un fou mais quand même, je n'y crois pas trop à ce moment.

Je me dis que j'ai mal calculé un truc, genre oublié la virgule après la retenue du quotient ou bien je ne sais quoi, mais je me dis surtout que ce n'est pas possible.

Et je dois dire qu'avec la fatigue, je n'arrive pas à raisonner, à remettre les choses dans le contexte ou à simplement regarder l'heure sur ma montre et en déduire mon temps de course.

À ce moment là, je veux juste en finir, descendre ces 10 kilomètres et fanfaronner dans Chamonix.

Le début de la descente est un calvaire horrible.

J'ai vraiment trop trop mal aux pieds, la douleur ne devient plus supportable. On ne parle pas du genou, des cuisses ou bien même de mon état en général. Je n'en peux vraiment plus.

Chaque pas est douloureux et me coûte tellement. Je pourrai presque me dire que ce ne va pas être possible de rejoindre cette ligne d'arrivée.

Je ne sais plus comment poser mes pieds pour soulager les douleurs et la seule tactique qui vaille, c'est avancer malgré la souffrance.

Ça va se terminer, c'est sûr, alors on continue, doucement, du mieux qu'on peut, du mieux que le corps accepte.

Je connais cette descente par cœur, et plus j'avance et plus je commence à me projeter vers l'arrivée. La suite se fait plus douce, passage à la Floria (où je retrouve Magali), la piste de 4x4 et déjà les premières constructions, la ville m'attire inexorablement.


Tout ce qui a un début, a une fin

Deux jours que je cours, que je suis dans ma bulle ... je sens que tout ça va bientôt exploser.

Je raconte les quelques anecdotes à Magali et toute la partie nocturne depuis qu'elle m'a laissé à Champex hier soir.

Du coup, je n'écoute plus mes douleurs et je me surprends à reprendre un rythme de course, chose que je pensais complètement improbable encore quelques minutes auparavant. Le corps a des ressources inimaginables, je suis toujours bluffé.

Elle me préviens : l'ambiance est folle dans Chamonix et du monde est venu à l'improviste pour me voir passer la ligne d'arrivée et me féliciter.

Ma marmite commence déjà à déborder mais ça ne sert à rien de lutter. On accumule trop d'émotions et de fatigue sur ce genre d'épreuve pour espérer garder tout ça pour soi.

Il reste environ 1 kilomètre ... j'ai presque envie de dire enfin et déjà.

Déjà parce que paradoxalement, tout cet UTMB est passé tellement vite, c'est fou cette distorsion du temps.

Mais enfin, car même si je cours dans l'entrée de Chamonix, je sais que je tiens uniquement grâce aux endorphines et autres molécules du bonheur et de la fierté.

Lucie arrive à ma rencontre et forcément là, je craque. Et même maintenant, à l'heure où j'écris ce texte, soit environ 1 mois après, l’émotion est encore vive.

On a partagé ce rêve, ce challenge pendant presque 10 ans et je sais que pour elle, l'UTMB aura marqué tout une partie de son enfance et de son adolescence.

Elle est émue et fière comme si on avait couru tous ces kilomètres ensemble, et je sais que ce sera un marqueur pour elle, comme pour moi, pour tout le reste de sa vie.




Je laisse donc tout déborder. Ça coule de partout.

Pas de tristesse ni de douleurs,  juste l’émotion.

Je suis accueilli ( comme tous les autres coureurs) avec une clameur incroyable.

Je peux apprécier pleinement enfin cette fois-ci les applaudissements et les cloches qui résonnent, quel changement, quel bonheur d'être enfin en phase avec les spectateurs.




Je vois certains enfants vraiment en admiration, certaines femmes passent par dessus les barrières, veulent courir avec moi, me lancent leur soutien-gorge ... c'est l’hystérie totale !!

Naaaan, je déconne, mais je peux réellement sentir l’émotion et l'émerveillement chez certains spectateurs, c'est touchant, vraiment. Moment de pure vanité.

Je passe la ligne avec Lucie et Magali ... un instant de ma vie hors du temps, de tout ce que j'ai pu vivre, c'est irréel.

C'est un tourbillon, une énergie qui vous emporte loin et je saisi à cet instant là toute la magie de l'UTMB ... incroyable, indescriptible.
















Je retrouve mes amis et ma famille qui tenaient à vivre cet événement avec moi.

C'est intense, tout est intense.

Tout le monde est excité, tout le monde à les yeux qui brillent, et je suis heureux, tout comme eux, de partager ce moment tous ensemble.











Tout ça pour ça

Je récupère ma veste finisher et je possède maintenant la collection complète. 10 ans résumé en trois vestes.



Voilà, à l'heure de tirer un bilan de cet aventure, je vous avoue que j'ai encore du mal à trouver mes mots.

Fierté

Satisfaction

Accomplissement

Il me faudra du temps pour réaliser, pour trouver les bons mots ...


Alors des chiffres !

173 km officiel, 182 km sur mon GPS, 10'000 m de dénivelé.

43 heures de course ... tout pile ! Plan B validé (quand je vous disais incroyable !)

Je n'ai pas les chiffres exact, mais il y avait un peu moins de 3'000 coureurs, dont près de 1'000 ont abandonné malgré des conditions météo exceptionnelles cette année.

Je termine 1'190ème au scratch et 154ème dans ma catégorie.

J'ai dormi exactement 16 minutes sur toute la course, dépensé environ 15'000 calories (ceux qui sont au régime apprécieront), bu pas loin de 14 litres de liquides en tout genre et transpiré 18 litres de sueur selon ma montre Garmin. Je ne sais pas si c'est fiable, mais c'est rigolo.

À la question qui revient inlassablement depuis que j'ai passé la ligne, c'est non. no. nein. niet.

Non, il n'y aura pas pour l'instant d'UTMB saison 2, pas plus que d'UTMB version XXL.

Je suis tellement reconnaissant envers mon corps d'avoir pu me porter dans cette aventure, ce n'est pas donné à tout le monde de relever ce genre de défi, et je me suis longtemps posé la question si moi même j'en étais capable.

Tellement reconnaissant envers ma famille, mes proches, mes collègues et mes amis qui ont accepté les contraintes que je leur ai imposé et  qui m'ont soutenu, chacun à sa manière . Ça compte énormément de sentir l’adhésion de votre entourage dans la réalisation de votre défi. Leur compréhension m'a permis me m’entraîner l'esprit libre et de pouvoir me concentrer uniquement sur ce que j'avais à faire. J'avoue que j'ai été tellement gâté et si vous vous reconnaissez dans ces quelques mots, sachez que je vous en suis énormément reconnaissant.

Une page de ma vie se tourne aujourd'hui et je ne pouvais pas mieux la tourner. Il est temps désormais de se reposer, de prendre un peu de recul et de laisser l'égo retomber à un niveau acceptable. Dans quelques jours, le parfum du challenge viendra à nouveau me chatouiller et il sera temps d'y retourner: Sentir le cardio rugir dans ma poitrine, le lactique se déverser dans mon corps, l'air manquer à mes poumons ... embrasser la souffrance et palper quelques temps la joie de l'accomplissement, se sentir libre, vivant.