vendredi 12 juillet 2013

7 heures de plaisir, 41 minutes de souffrance.


Le ratio me parait plutôt avantageux non ?

Et pourtant, je ne pensais pas prendre cette course dans ce sens là. Au départ je l'imaginais plus du genre :  41 minutes de plaisir et 7 heures de souffrance, comme quoi, comme le disait Forest Gump, dans la vie, on ne sait jamais sur quoi on va tomber.

Chocolats Suisse j'espère ?!

Mais bon, je ne vais pas vous faire croire non plus que ce résultat arrive là comme ça par hasard ... c'est aussi le fruit de nombreuses heures d'entraînements qui, pour une fois, ont été assez bien gérées pour me permettre de prendre autant de plaisir sur cette course.

Pourtant, l'affaire était loin d'être entendue, je vous le racontais dans mon message précédant, et j'arrivais la veille de la course ... comment dire ... un brin stressé quand même pour plusieurs raisons :
Je n'avais jamais couru plus de 25 kilomètres...
Jamais fait plus de 1'500 mètres de dénivelé à la suite...
Et angoisse ultime, je ne savais pas quelle paire de chaussures choisir.

-"Ouahhh l'autre hé, il nous fait sa star avec son choix de godasses pour  faire une course de montagne, c'est pas un défilé mon gars !"
Bon alors je vous explique : j'avais le choix entre des Dynafit Féline grise qui ne me tiennent pas assez les chevilles, des Salomon XT5 noire et rouge qui me blessent les orteils et des Sportiva Raptor jaune que j'ai acheté le jour même, donc jamais portées ... sachant que je porte une tenue bleue et blanche pour courir, le dilemme était assez intense.
Non, bon, vous avez compris, la couleur importe peu (bien que je me demande quelle tenue assortir avec ces chaussures jaune ?) mais plutôt le confort car mon but, le seul, que je m'étais fixé sur cette épreuve est résumé sur la photo ci-dessous :






J'opte donc pour mes Dynafit en tentant l'option courir le pied léger, telle la gazelle, et économiser le plus possible mes chevilles et mes pieds pendant le parcours.







Oui parce que depuis que j'ai entendu Lara Fabian dire que les pieds c'est important, moi je fais gaffe !

Il y a du JCVD dans l'air !

Mais bon je m'égare, revenons à cette course : arrivée à St Gervais le vendredi après-midi, shopping, restaurant, remise du dossard, hôtel (à 50 mètres du départ, la classe), préparation du matos et dodo !


Je m'endors avec l'image de l'Aiguille de Bionnassay imprimée sur les paupières et repense, le vague à l'âme, à cette ascension du Mont Blanc il y a tout juste un an, jour pour jour ... c'est un (bon ?) signe.

L'année dernière ... trop envie d'y retourner !


Bref, je mets peu de temps pour m'endormir, le lit est méga confortable, les rêves seront sur les cimes. Réveil prévu vers 6h00 pour le départ de la course à 8h00.

En fait, je serai réveillé déjà vers 4h30 par le speaker qui motive les troupes !! Eh oui, l'hôtel sur la ligne de départ (ou d'arrivée) c'est une superbe idée, mais je n'avais pas pensé au départ à 5h00 (pour la course des 100km) et celui à 7h00 (pour celle des 60km) ... c'est sûr que la nuit est un peu plus courte ^.^




Pas grave, l'angoisse de la veille commence à faire place à l'excitation et l'envie d'enfin y aller. Des heures, des jours, des mois d'entraînements ... j'ai envie de concrétiser, de voir, de toucher, d'y être quoi bordel !!!

Bon, j'ai envie, mais l'information n'est visiblement pas descendu à l'estomac qui est resté en mode "gastro-entérite-coulante -mortelle" de la peur. Pour vous la faire courte, ça ressort beaucoup plus facilement que ça ne rentre (mais alors beaucoup beaucoup plus facilement). Je me force quand même à avaler ma mixture magique suivi par une petite douche histoire d'enlever le brouillard dans les yeux (...). Je saute dans mon équipement et direction le départ.

Ooulah, ça penche !
L'oeil fixé sur la banderole "arrivée"
   

La journée s'annonce belle, voir même un peu chaude, le panorama est déjà magnifique, je vais m'en mettre plein les cuisses et plein les yeux :)

Allez, c'est parti !!

1er tronçon.

J'ai découpé ma course en quatre tronçons histoire de morceler un peu le morceau, ça me paraissait plus digeste à avaler. Je pars donc à l'attaque de cette première partie pour rallier le premier ravitaillement. Au menu il y a un petit kilomètre sur le plat suivi de deux petites montées d'environ 400 mètres de dénivelé pour un total d'environ 12 km, bref, rien d'insurmontable, un bon petit échauffement.

Je pars "tranquillou", la journée s'annonce plutôt longue, Je trouve donc un bon rythme de croisière qui me permet d'avancer rapidement mais sans trop taper dans les réserves et les cuisses.
La première montée est assez bucolique le long des pistes de ski et quand je vous dis que le paysage allait être magnifique, je ne vous raconte pas de bobards :

Bionnassay

Première constatation : soit je suis extrêmement lent, soit je n'ai pas le niveau ... parce que qu'est ce que ça part vite dis donc! On me double de tout les cotés, on me pousse et quelques personnes iront même à me "souffler" dessus genre, c'est quoi ce boulet ?
Les gars (et les nanas) courent comme Kilian Jornet à la moindre occasion, du coup je me demande s'il n'y a pas un bonus ou un cadeau surprise en haut de la première montée ? J'aurai loupé une info au départ ?
C'est très déstabilisant et en arrivant au sommet du premier raidillon je m'aperçois qu'il n'y a ni pochette surprise, ni rien du tout ... tout le monde court comme si la ligne d'arrivée était là, fichtre    O_o
Je me retourne et je compte assez peu de concurrents derrière moi. Au pointage, on m'annonce 176ème et je vous avoue que je ne fais pas trop le fier à ce moment là.

Mais bon, si je dois terminer cette course en queue de peloton, je la terminerai comme ça ...
Dans ma tête je me dis qu'il y a un sacré niveau en trail.

J'arrive en bas de ma première descente et attaque la deuxième montée, toujours sur le même rythme, et là, deuxième grosse surprise : certains gars qui couraient comme des fous furieux sont déjà à la ramasse dans cette partie. Je vous rappel qu'on a encore deux monstrueux cols à avaler et qu'on n'a même pas encore fait le quart de la distance. Alors quoi, on n'a pas lu son raod book ? Pas vu qu'il y a 38 km à parcourir (on en est à ce moment là au 6ème) ? Pas compris qu'il y avait 3'400 de D+ (à peine 500 de D+ effectué) ?

Je comprends pas trop ce qu'il se passe autour de moi et décide de ne pas trop m'en occuper car je trouve ça trop perturbant. Mais quand même, c'est quoi cette histoire ??
Bref, j'arrive en haut de ma deuxième ascension et physiquement je suis bien. Je redescends sur le ravitaillement et malgré mon estomac qui est toujours en vrac, je me force à boire et à manger un peu.

Premier ravito et premier petit chek-in : everything is ok, goooood !
Je prends le temps de m'arrêter, de remplir les gourdes et de faire un peu le plein en glucides (banane, orange, barre de céréales ...) et comme ça  a toujours un peu de mal à rentrer, je me dis qu'un petit verre de Coca ne peut pas me faire de mal. La dessus une bénévole me fait comprendre que se ravitailler c'est bien, mais que ça reste une course et qu'il faudrait peut-être penser à y aller.
Ok, ok, je laisse la place ... oulah oui dis donc, tous les gars doublés dans la montée et la descente sont déjà repartis, et loin devant moi, gloups, quel touriste je fais décidément sur cette première partie !

second round, let's go !

Deuxième tronçon, on attaque la première vrai difficulté du parcours, soit la montée du Prarion qui nous amène ni plus ni moins au sommet des pistes de la station de ski des Houches.
L'approche de cette montée est laborieuse pour moi : j'aimerai revenir sur les concurrents devant, histoire de ne pas monter tout seul, mais je m'aperçois que j'ai laissé mes jambes et mon estomac au ravitaillement. Je n'avance pas et je suis barbouillé, à la limite de la nausée, pire que pire ... comprend pas ce qu'il m'arrive?

J'entame cette montée pas très frais et même si je sens que je peux aller en haut, il faut que je trouve une solution parce que je n'aime pas subir. Je décide donc de sortir mon arme secrète number one.
Un petit truc lu sur un blog d'un "ami virtuel" (excellent blog à visiter ici : Running Gou) qui avait tenté le coup de la pastille Vichy histoire de se donner un coup de frais.

Le truc n'avait pas fonctionné pour lui, mais je pensais que pour moi, ça pouvait le faire, étant un grand fan de ces bonbons. Je sors donc mon petit paquet et m'enfile deux dragées ...
OUAHHHH, c'est bon ça !!! Je bois un peu d'eau par dessus et un vrai vent de fraîcheur me parcours tout le corps. En un instant les nausées disparaissent, effet placebo ou pas, sur le moment j'ai l'impression que ces deux pastilles viennent de sauver ma course.

J'ai le moral qui vient de remonter en flèche et comme je suis bien, je décide de passer enfin la seconde dans cette montée et de sortir mon arme secrète number two : mon lecteur mp3 avec une playlist de malade (encore une excellente idée de Running Gou décidément...).

Écouteurs dans les oreilles, volume à fond, playlist "Go Go Go !!!" en mode aléatoire, c'est parti pour un morceau d'AC/DC "Thunderstruck", suivi par Brain Adams "We're gonna win" ainsi que Queen "Don't stop me now" :

I'm burning through the sky yeah

two hungred degrees that's why they call me mister farhenheit
I'm travelling at the speed of light
I wanna be a supersonic man out of you

Don't stop me now,
I having such a good time...

C'est parti mon kiki, je me surprend presque à courir dans cette montée. Avec une envie et un moral au top du top, je peux vous dire que ça déménage ! Je reviens en peu de temps sur le groupe devant moi ... pas le temps de papoter ou de prendre ma roue, je suis déjà loin.
Les jambes, le coeur, le souffle ... tout mon corps répond à l'unisson pour avaler cette montée et des dizaines de concurrents en moins de temps qu'il ne le faut pour l'écrire ... grisant :)

Au sommet, je sens que j'ai flirté avec la zone rouge, mais j'en veux encore. Petite photo pour immortaliser l'athlète face au Mont-Blanc, je range les bâtons, le lecteur mp3, un coup de flotte sur la tête et go pour descendre au second ravitaillement de Bionnassay.



Je descend dans le même état d'esprit que je suis monté ... à bloc ! Je double des concurrents par dizaine. Certains ne sont pas beaux à voir, déjà, à cause de blessures (entorse à la cheville généralement) mais le plus souvent simplement parce qu'ils sont cuits !
Je me ravise sur le niveau en trail et je commence à me dire que les gars ne sont pas bien sérieux. Être à la dérive alors qu'on est tout juste à mi-parcours, cette course va ressembler à un chemin de croix pour certains ... je comprends pas bien l'objectif et le plaisir ? Je reste perplexe et continue ma route, content finalement d'avoir insisté sur mes entraînements, et de pouvoir prendre du plaisir tout au long du parcours.

Ravitaillement deux. J'avais prévu d'y arriver en quatre heures environ ... j'ai dix minutes d'avance, incroyable ! Du coup, je me dis "confort" avant tout : grosse recharge (soupe, jambon, banane, orange), je fais le plein des gourdes parce qu'il commence à faire vraiment chaud et puis je me pose tranquil' 5 minutes à l'ombre pour me rafraîchir, changer de T-shirt, de chaussettes et resserrer mes chaussures ... je laisse filer dix grosses minutes, mais il me fallait bien ça avant d'attaquer le col du Tricot, THE difficulté du jour.

Ça va tricoter sévère !

Je repars l'esprit encore tout guilleret, mais dés les premiers mètres je déchante rapidement. Je pense que de m'arrêter trop longtemps me coupe dans mon élan et j'ai énormément de mal à relancer la machine, d'autant plus que la fatigue s'installe gentillement après 4 heures de course et 23 kilomètres.
Cependant je ne m'alarme pas trop, je me sens malgré tout encore assez bien... je sais que ça va revenir, alors je profite du paysage.

Je navigue dorénavant juste sous l'Aiguille de Bionnassay et malgré la difficulté à retrouver du rythme, je mesure toute la chance que j'ai de pouvoir participer à cette épreuve et de courir dans des endroits aussi magnifique.

Glacier de Bionnassay

Je sors des bois et m'avance en direction du glacier de Bionnassay qu'il faudra traverser par une passerelle. L'air qui descend de la montagne est frais et c'est un réel bonheur parce qu'il commence a faire vraiment très chaud sous la casquette.
Comme il faut faire la queue pour traverser , j'ai  le temps pour faire quelques photos ainsi qu'une petite vidéo, enjoy :


Ouh, tu n'aurais pas un peu le vertige toi ?



Bon, c'est pas tout, mais le passage du col est encore loin et comme je suis toujours dans le dur, j'applique la formule magique qui avait si bien fonctionné tout à l'heure :
Pastille Vichy, un peu d'eau et musique à fond. Ça redémarre avec Green Day "Letterbomb" :

It's not over 'till you're underground
It's not over before it's too late...

Ça me parle bien et me reboost comme tout à l'heure. Plus ça grimpe et plus j'accélère, plus ça monte et plus je suis happy.

Je ne compte plus le nombre de coureurs que je rattrape et double, incroyable encore une fois de voir la très mauvaise gestion de course de certains et je trouve ça limite...
M'enfin, chacun voit sa course comme il l'entend, mais il faudrait me payer très très cher pour me retrouver en haut du col du tricot dans des états pareils  O_o

Bref, malgré l'altitude, il fait dorénavant hyper chaud et je bois régulièrement pour éviter la surchauffe. Oui mais seulement voila, alors que je ne suis pas loin du sommet (environ 15 à 20 minutes comme ça à l'oeil), je m'aperçois que j'ai beau tirer, aspirer sur ma gourde, plus rien n'en sort !


                                                     WTF ??!!?


Je suis à sec, pas possible ??!

Bon, je stress un coup, mais à cet instant, trois solutions s'offrent à moi :

1/ Demander une gorgée d'eau à un concurrent autour de moi. Solidarité oblige, personne ne me le refuserait, mais à ce moment je n'ai pas encore assez soif pour boire dans la gourde d'un autre, beurk ! no way !

2/ Faire comme Kilian Jornet qui se ressource à même le ruisseau. L'idée, intéressante au premier abord, me répugne quelque peu vu la qualité de l'eau de mon ruisseau ... n'est pas Kilian Jornet qui veut. No way number two !

Du mois de Septembre au mois d'Août ...

3/ Eh bah oui, je ne me trimballe pas un sac de 6 kilos depuis le départ pour rien. Il y a dedans une toute petite gourde (200ml) au cas-où ... well done guys !

Ok, 200ml, c'est pas grand chose, en gros trois malheureuses gorgées, mais ça me sauve quand même un peu la vie :)

Sommet du col du tricot.
Je suis monté assez vite et après 30 km de course, mais jambes me font remonter certaines indications que je serai tenter de traduire par ceci :

-" Putain de bordel de merde, on en a plein le cul de tes conneries !!!"

Quelle vulgarité ces jambes alors !
Comme la vue est magnifique, fantastique, incroyable, fabuleuse, exceptionnelle ... MAGIQUE, je me fais un petit stop pour sortir le dernier joker de mon sac à dos.




J'enfile donc mes manchons de compression sur mes mollets, ceci afin de faciliter le retour veineux (en gros ce sont des bas de contention pour sportif, rien d'autre). D'habitude, je n'aime pas courir avec car cela me procure des sensations étranges, pas très agréable. Mais je dois dire que quand vous avez les jambes lourdes et que vous avez le col du tricot à descendre, le petit coup de fraîcheur sur les mollets est le bienvenue pour ne pas se mélanger les aiguilles (du tricot ... bon ok, c'est naze ... bouh)

J'attaque la descente et je suis heureux d'avoir mis ces manchons : c'est raide, il y a du monde et il faut rester lucide pour arriver entier en bas. D'ailleurs je repense à mes trois objectifs pour cette course :
1/ Passer la ligne d'arrivée.
2/ Prendre du plaisir (pas de chrono, de place ou de performance).
3/ Ne pas se blesser !

Oui, j'ai encore d'autres objectifs cette année et si je me blesse maintenant je peux faire une croix dessus, et je n'ai vraiment pas envie du tout.
Alors comme les cuisses chauffent beaucoup, que la fatigue est bien là et que la descente est dangereuse, je ralenti la cadence. Mais même au ralenti, j'hallucine toujours sur l'état des gars  que je double, stupéfaits !!

J'arrive au ravitaillement et ce coup ci, je retiens la leçon : tout dans les poches, je fais le plein des gourdes (oh vous êtes à sec vous dis donc, dixit un bénévole) et repars aussi vite que possible histoire de rester dans le rythme.
Et là, au lieu de partir avec tout le monde sur la gauche, on me demande de prendre le sentier de droite.
Comprends pas ? Il n'y a personne à droite, tout le monde part à gauche !!?

Eh bien il se trouve que mon parcours (38km) est celui de droite, à gauche, c'est celui pour les 60 km.
Je réalise que tous les coureurs que j'étais en train de doubler et qui galèrent comme des malheureux sont ceux qui sont parti 1 heure avant moi ce matin et qui sont environ à mi-parcours du 60.
A ce moment là, je les plains vraiment et m'interroge encore une fois sur les raisons et l'envie de ces personnes ...

Le bénévole, me voyant perplexe, m'explique qu'on a pas tous le même niveau et qu'on ne terminera pas  tous premier. Je comprends bien son discours, mais j'ai du mal à saisir le pourquoi d'une telle galère ? Pour simplement dire qu'on l'a fait, qu'on a été au bout ? Bon ok, pourquoi pas ...
Et puis quoi, je ne vois pas pourquoi il me parle de tête de la course : 176ème un premier pointage, plus toutes les pauses que j'ai faites ... j'ai beau avoir doublé énormément de monde, faut pas me la raconter quand même.
Mais non, il insiste, les tout premiers sont passés il y a quelques temps déjà effectivement, mais il m'affirme que je suis dans le groupe de tête ...

Mouahahahaha ... ils ont le sens de la rigolade ces bénévoles. J'ai beau ne pas y croire un seul instant, je repars seul, sur mon chemin de droite, le coeur et les jambes légères, c'est toujours ça !

Je termine cette immense descente en solitaire : 36 km au compteur, 6 heures et 30 minutes de course ... j'avoue  qu'à ce moment là, je sens que j'ai atteint mes limites que je ne suis pas loin du bout du bout.
Reste deux kilomètres de montée sur le village d'arrivée et quelques centaines de mètres pour le finish, ça commence à être rude et il va falloir trouver des ressources dans la tête pour y arriver.

Kilomètre 37, ça monte, c'est raide, ça chauffe et je ne suis pas très bien, mais le compte à rebours est lancé, pas moyen, faut aller au bout mec !

Kilomètre 38, ça monte encore ! C'est parti, je fais de nouveau des ggrrrrrr dans ma tête parce que je n'en peux plus, vraiment. J'arrive encore à doubler quelques concurrents dans des états incroyable : et celui là allongé au bord du chemin (moi : ça va ? - lui : ouaih plein le cul, je gère), et l'autre marchant tel le gars qui sort d'after à Ibiza après avoir bu des litres et des litres de vodka. Il titubait tellement que j'ai réellement cru qu'il était bourré ... 1 heure qu'il galère sans une goutte de flotte. Il descend ma gourde de secours et m'assure qu'il peut terminer tout seul ...
Bon ok les gars, vous le faites comme vous le sentez, mais c'est pas joli à voir. Si vous avez fait une connerie et qu'on vous a puni à faire cette course, eh bah moi je serai vous, je ne recommencerais pas !

Mais bon, je me dis que si la ligne d'arrivée est encore loin, ça va être mon tour dans pas longtemps. Gloups.

Kilomètre 39. Je vous écris tous les gros mots et tous les ggrrrrr ou pas ? Parce que , holly shit, je devrais y être là maintenant ... les confettis, les flash, le podium et Kilian qui me remet un trophée d'honneur pour ma première participation.
Nan, rien de tout ça, juste un chemin qui monte encore et encore ... pas possible !!
Plus la force de rien du tout : fini les pastilles magiques, la musique qui reboost. Mes bâtons traînent au sol, même plus la force de les lever ou de les ranger dans mon sac.
Je m'accroche à ma chimère ... mais bordel on devrait y être là !! Ggrrrrr Ggrrrrr Ggrrrrrr et re Ggrrrrrr

Kilomètre 40, 3'600m de D+. Je me frotte les yeux : kilomètre 40, oui c'est bien ma montre qui m'indique kilomètre 40. Je n'y crois pas, au briefing on nous l'avait vendu comme un gros 38 km et 3'400 de D+, je sais bien que tout augmente mais quand même ...
Tout mon corps me fait mal et je lutte vraiment à chaque pas. Mon genou droit refuse depuis peu toute flexion, mes hanches n'en peuvent plus d'amortir le moindre pas, mes pieds sont en feu, mes cuisses carbonisées et mon moral dans les chaussettes (mauvaise idée, ça pue là dedans!).
Presque envie de pleurer ... je veux bien m'arracher, mais faut que ça se termine MAINTENANT, j'ai dit.

Et là, alors que je pensais que ce chemin n'en finirait pas de monter, je croise un randonneur qui me lance :
-"Allez, quelques mètres et c'est l'arrivée !!"
Je trouve la blague tellement nulle qu'il me semble que je pourrai trouver encore assez de courage pour lui mettre un coup de boule ... tout au plus une petite claque.
-"Oui, c'est par là, à droite et vous êtes arrivé !"
Mince, je n'avais pas vu la bifurcation, j'etais parti pour monter sur la Lune avec ce sentier.
Le chemin descend, oui c'est bon ça (enfin c'est bon dans la tête, pas dans les genoux !), j'entends la musique, les troubadours et les gens qui font la fête ... ouaih, ça va le faire !!!

D'un coup d'un seul, je me mets à sourire : je touche au but, j'y suis, yeahhhhhhh :)
Oui, je m'emballe un peu mais mes tendons et mes articulations ne sont pas du même avis que ma tête, Quoi, s'il faut ramper pendant 500 mètres, je suis capable de le faire. Bon, vu que je suis désormais sur la route, je sens que je risque de ne pas trop apprécier le gommage.
Donc je fais un deal avec tout ce qu'il y a en dessous de la ceinture : on trottine gentillement jusqu'à l'arrivée histoire de faire bonne figure et après je vous laisse au repos une petite semaine ... ça le fait ?

Bien sur que ça le fait et j'en termine avec ces 41 minutes de torture trop happy d'être arrivé au bout, d'avoir super bien gérer ma course, d'avoir pris un pied monstrueux pendant les 36 premiers kilomètres et de ne mettre pas blesser.

On bronze ou pas à l'ombre ?



Bilan de cette course :

41 kilomètres, 3'600 mètres de dénivelé positif, 7 heures et 41 minutes de course, 44ème place au général hommes, 9ème place dans ma catégorie d'âge et de l'happy lactique plein le corps :)

C'est bon, tout simplement.

J'ai trouvé un nouveau terrain de jeu qui me plaît énormément, et maintenant, avec l'expérience de cette course, je vais pouvoir gérer un peu mieux mon sac à dos (beaucoup trop chargé, trop lourd), mes ravitaillements (allez, on s'active, hop hop hop), mes sms, photos et facebook (c'est sympa mais qu'est ce que ça mange comme temps) et mon allure de course.
Bref, il y a encore du travail et je me réjouis déjà de retourner sur mon Jura histoire de peaufiner ma tactique pour la prochaine course.
Pour l'instant c'est REPOS, parce que là je me sens tous sec, tout vide ...

Enfin, et pour terminer ce récit qui est presque aussi long que ma course, j'aimerai vous remercier, vous qui me lisez et qui me suivez via ce blog.
Je voulais vous faire partager cette journée, via ma page Facebook, en publiant des photos des moments clés de la course. J'avoue que je n'ai pas pris le temps sur le moment de regarder qui "aime" les photos ou qui les a "commenter". Ce n'est qu'après que j'ai eu accès à ces informations. Mais par contre, je peux vous dire qu'à chaque fois que quelqu'un intervenait sur ma page, mon téléphone vibrait et me jouait une petite mélodie que j'ai interprétée ainsi:

-" Allez, vas-y, ne lâche rien, fais-toi plaisir, on est tous avec toi ! Go ! Go "Go! "


Vous m'avez été d'un soutient incroyable et ma réussite dans cette course est aussi un peu la votre. Alors , encore une fois, un grand, un immense, un méga MERCI à vous tous qui m'avez suivi et encouragé, de près comme de loin, pendant cette fabuleuse journée.
Cela restera comme un de mes meilleures souvenir de course, à jamais :)

17 commentaires:

  1. bravo, bravo, bravo pour ta course!!! super gestion, et un max de plaisir c'est ça l'essentiel! repose-toi bien maintenant ;-)
    Michèle
    ps: j'adore le "presque coup-de-boule" lol c'est vrai que sur ce genre de course XL on passe par toutes les émotions possibles, voire parfois les nerfs à vifs :-)

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    1. Je confirme qu'on passe par toutes les émotions sur ce genre de course et c'était une première pour moi de passer réellement du rire aux larmes ... incroyable O_o
      Par contre pour le repos, ce sera pour une autre fois, faut profiter de l'été :)
      Merci pour tes félicitations. A bientôt ;-)

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  2. tip top ce CR; Bravo pour ta course et merci de nous la faire partager touours avec humour.

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  3. superbe ! Merci et bravo
    Martine VOLAY

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  4. Bravo belle course !
    Par contre je suis un des derniers finishers du 60. Oû est le plaisir de galérer dans cet état ??? Et bien nous courons pas tous à la même allure et le programme n est pas le même que pour le 38km... 60km et 5000md+ ça cause non ? Il faut donc aborder cela avec humilité. De plus j ai passé 16h sur les sentiers et contrairement à ce que tu penses 0 minute de souffrance. On appelle ça la gestion de course....

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    1. Eh bien félicitation pour ta course, à l'heure actuelle, je suis en "admiration" devant les finishers du 60 et du 100. Pour mes remarques concernant les autres concurrents, je ne critique en rien le niveau ou la vitesse, j'ai simplement été surpris de voir autant de personnes qui galèraient alors qu'il restait beaucoup à faire et que contrairement à toi, leur gestion me semblait catastrophique.
      Maintenant je me suis peut-être un peu emballé durant ce récit et j'avoue que je manque d'expérience en trail ... je me raviserai peut-être à ma prochaine course ;-)

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  5. J'adore ce genre de CR. Merci à toi et bravo pour ta course

    Sab

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    1. Merci Sabine ... et je sens que je vais de ce pas créer mon profil et partager mes expériences sur Kikourou :-)

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    2. Voila une idée qu'elle est bonne! On t'atend avec plaisir§
      @+

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  6. Vraiment très rigolo ton récit, j'adore, un grand moment d'humour !
    Tu arrives bien à traduire ce que l'on ressent (à notre petit niveau) du pourquoi l'on s'engage dans ce genre de défit.
    Du plaisir ? peut-être mais surtout de petits détails qui s'exacerbent lorsque l'on manque d'expérience.
    Tu verras on y prend goût mais merci pour ce très bon moment de détente.
    Cdt

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    1. Pour y prendre goût, il n'aura pas fallu longtemps... Je compte déjà les jours jusqu'à la prochaine course, en espérant que le décor soit suis beau que sur celle-ci :)

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    2. Et bien t'es acro !
      Bonne récup avant ce nouveau plaisir...

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  7. super résumé,je finis 32éme avec quasiment le même ressenti pour mon premier trail alpin(bigouden en vacances dans le coin);mais bon dieu les cuisses sur la fin,terribles surtout aprés 1000 km de vélo dans le coin en 15 jours,mais quel spectacle grandiose.

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  8. Très bon récit, j'aime le ton, la syntaxe, le… en fait c'est génial, ça glisse tout seul…
    Bravo pour ta course, pour une première c'est une belle première !!

    Rdv l'an prochain sur le 60 ??!

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    1. Merci, et oui effectivement, il y a de fortes chance de me revoir à St Nicolas de Véroce l'année prochaine :)

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